Les mots de la paix
Durant les Rencontres 2023, nous avons eu le plaisir de vous présenter “Les mots de la paix”, une activité participative faisant dialoguer le monde des arts avec la recherche universitaire.
Pour cela, nous avons réuni 3 projets de recherche autour d’une exposition unique, mêlant cartes postales, affiches et photos.
Etablissant des ponts entre ces différents univers, nous avons pu découvrir le projet “Warmikuna”, coproduit par Tania Romero Barrios, sur la mémoire orale des femmes quechuas au Pérou, le projet “Sanaduría”, coporté par Laura Lema Silva, présentant un glossaire des sens pluriels de la paix en Colombie, et le projet “Poésie des arts désarmés”, organisé par Fernando Garlin Politis, développant 6 ateliers autour d’une méthodologie synthétisant en 3 étapes l’expérience migratoire.
“Les mots de la Paix” sont une première proposition pour penser la Paix à travers le sensible, que nous souhaitons faire évoluer dans les prochaines années. Si vous souhaitez collaborer avec nous sur cet aspect, contactez-nous !
Sanaduría
Qu’est-ce que la paix? Quelle est ta paix? Ta paix est-elle la guerre des autres?
La paix est-elle absence ou médiation du conflit? La paix s’atteint-elle? Est-elle un état d’harmonie ou d’ordre ?
Avec quels autres mots pouvons-nous nommer la paix?
La paix est-elle une relation uniquement entre humains? Une paix, ou beaucoup de paix possibles?…
“Sanaduría, médiations pour tisser des sens pluriels de la paix” est une exposition du Centre de Pensée Pluralizar la paz de l’Université Nationale de Colombie.
L’exposition, qui s’est déroulée du 15 avril au 10 juillet 2023 au Musée d’Art Miguel Urrutia de Bogotá, s’est construite à travers un travail participatif au cours duquel nous avons dialogué avec Iris Aguilar, tisserande wayuu; Mauricio Cuchimba, artiste nasa; Jairo Palchukán musicien camëntsá; Pastora Tarapués, sage-femme pasto; Ginel Dokoe, sabedor murui; et Blanca Valencia et Luis Fernando Alvárez membres de l’Asociation de Victimes et de Survivants du Nord-est de l’Antioquia (ASOVISNA). Ces personnes nous ont permis de nous approcher à des sens historiques de construction de scènes d’écoute, de reconnaissance et de délibération qui conduisent à la médiation des conflits violents.
À travers ces dialogues nous avons compris que la paix n’est pas un concept évident ou universel, ou encore univoque. Il s’agit d’un concept opaque, qui contient expériences, attentes et pratiques diverses. La paix se construit à travers des processus laborieux et négociés. Elle implique du travail: être avec les autres, ouvrir des chemins, refroidir la parole et écouter activement, ou encore entretisser nos individualités pour construire des communautés qui n’excluent pas la différence.
Nous vous invitons à nous proposer vos propres représentations de la paix en dessinant ce que vous inspire un ou plusieurs mots du Glossaire des sens pluriels de la paix qui est l’un des résultats, toujours amené à s’enrichir, de Sanaduría.
Salima Cure, Laura Lema Silva et Francisco A. Ortega
Warmikuna
Warmikuna (femmes) – Voix, visages et mémoires est un projet de recherche-création trilingue (quechua-espagnol-français), virtuel et muséographique qui a pour but de créer une archive ouverte autour des trajectoires, actions et créations de / portant sur les femmes andines et le conflit armé péruvien.
Le projet se décline sur deux espaces : un carnet Hypothèses et un dispositif interactif au Musée de la mémoire de l’Association nationale des familles des séquestrés, détenus et disparus du Pérou (Anfasep) à Ayacucho. Et se compose de trois axes : un axe textuel (Yuyaninchikpi), composé de paroles de chansons, de poèmes et de témoignages traduits; un axe visuel (Purichkanchik), composé d’une archive photographique; et un axe audiovisuel (Cantar para contar), composé de chansons en quechua.
Les matériaux ont été élaborés et/ou compilés dans le cadre des séjours de terrain réalisés notamment à Ayacucho (avec la collaboration de l’association Anfasep) et à Lima, mais aussi à Chimbote, Huaraz, Huancayo et Cuzco.
Outil, moyen et espace de valorisation, ce projet a pour vocation de s’adresser à un public universitaire et non académique, de rendre accessible des données peu visibles dans un format plus inclusif, de proposer de ressources inédites, en quechua et en version traduite, ainsi que d’interroger les réflexions mémorielles depuis une perspective de genre.
Dans le but de faire dialoguer les langues, les mots et les images, nous vous proposons une dynamique participative par le biais de deux types de post-it. Une partie reprend une expression en quechua issue des chansons du projet, munie de sa traduction, et une autre partie est constituée de post-it vierges. Nous vous invitons à coller les premiers sur les images qui vous semblent évoquer le mieux les expressions transcrites et/ou à mettre vos propres mots sur les post-it vierges et à les coller sur les images qui les ont inspirés. Il s’agira ainsi de construire un dialogue sensible des sens et des espaces liés aux processus de recherche de personnes disparues.
Tania Romero Barrios
Poésie des arts désarmés
Entre juillet et août 2023, j’ai organisé 6 ateliers artistiques (3 ateliers de poésie haïku et 3 ateliers de dessin) dans un Centre d’Hébergement d’Urgence (CHU), avec 15 personnes qui y ont assisté volontairement. À chaque session, nous avons travaillé sur un thème spécifique de la migration, suivant une méthodologie en trois étapes synthétisant l’expérience migratoire : trajectoire, témoignage et testament. Les ateliers étaient basés sur une approche participative et chaque personne pouvait intervenir, suggérer et participer aux créations des autres. Les résultats des ateliers sont des poèmes haïkus en dialogue avec des dessins. Afin de rester le plus fidèle aux représentations que les participants voulaient transmettre, mon rôle était de travailler avec eux sur leurs dessins et leurs mots pour les transformer en ce qu’ils voulaient voir, ressentir et se souvenir de leur expérience migratoire.
Dans la vie quotidienne, nous passons beaucoup de temps à chercher des mots ou des images qui traduisent nos expériences. Nous pratiquons des techniques de raisonnement, d’analyse et de logique pour comprendre et « connaître » le monde qui nous entoure. Souvent, le langage administratif masque notre manière personnelle d’éprouver le vécu. La poésie, en revanche, est une pratique artistique fondée sur l’inconnu. Au centre de chaque poème se trouve quelque chose qui résiste à la catégorisation : un sentiment, une humeur ou une texture émotionnelle. En poésie, nous utilisons des métaphores et des formes pour évoquer les aspects de l’expérience humaine qui dépassent les possibilités offertes par nos systèmes de connaissance quotidiens. Pour toutes ces raisons, la poésie s’avère un moyen puissant pour l’incarnation des turbulences migratoires ou violentes qui traversent nos vies.
Fernando Garlin Politis